Les Visages de nos colères… même au féminin !

Les Visages de nos colères… même au féminin !

La colère… est disséquée façon puzzle par la philosophe Sophie Galabru dans son premier livre Le Visage de nos colères publié en février 2002.

La colère, émotion fondamentale, y apparaît comme bien utile et même sympathique.

Ce tour de force mérite bien un billet !


En préambule, rappelons que la colère est une émotion (un vice, une passion) que l’on retrouve dans de nombreuses traditions :

  • Evagre le Pontique, dans son ouvrage « Des Vices opposés aux vertus », décrivait au IVème siècle de l’ère chrétienne une liste de neufs vices : gloutonnerie, débauche, avarice, tristesse, colère, acédie, vaine gloire, jalousie, fierté.
  • Le célèbre tableau peint par Dürer en 1538, exposé à la Alte Pinakothek de Munich, présente les tempéraments des « 4 Apôtres » : Saint Jean, en rouge, est sanguin, Pierre, avec la clef du paradis, est flegmatique, Paul, en blanc, mélancolique et Marc en est colérique.
  • La Colère aussi est l’une des trois émotions fondamentales décrites dans la tradition de l’ennéagramme, Alors que la Peur est liée à l’intellect et le Désir au cœur, la Colère est une passion liée au corps, qui permet d’exprimer de manière instinctive le refus, le déni.
Albrecht DÜRER, »Les 4 Apôtres », 1526, source wikipédia

Prendre en compte, à leur juste place, nos émotions tantôt réprimées tantôt envahissantes, est en effet bien souvent au cœur des demandes d’accompagnement en coaching.

Sophie GALABRU en fait l’expérience et le reformule avec ses mots ciselés de philosophe : « Nos non viennent d’abord du corps, que la conscience les réfléchisse, les condamne ou les accepte, après coup » (page 134).

L’expérience personnelle de la colère que partage Sophie GALABRU et le cheminement philosophique qu’elle décrit me semblent intéressants à remettre en perspective, comme si ils étaient prononcés au cours d’une séance de coaching.

La Colère, Ivan Lafitte

Qu’est-ce qui a provoqué cette prise de conscience sur la colère ?

« Un jour, j’ai osé sentir ce refus d’adhérer à ce qui m’avait abîmée » (page 9).

Par cette seule phrase, non seulement Sophie GALABRU nous fait prendre conscience de la difficulté d’accepter la colère, mais elle témoigne également de la difficulté tout spécialement pour une femme d’oser la colère.

Qu’est-ce qu’éprouver de la colère vous apporte d’important ?

« Par la colère nous transgressons un moi social : nous dégivrons les rapports convenus […] Pour moi, la colère est une flamme qui réchauffe ce qui se meurt dans la froideur du non-dit, une étincelle qui ranime ce qui gèle dans une société » (page 13).

Si la colère permet de satisfaire un besoin fondamental, d’apporter de l’imprévu dans les rapports humains, comment pourrait-on s’en passer ? Peut-être que notre éducation ou que d’autres choses nous empêchent de l’éprouver ?

Y a-t-il des obstacles vous empêchant d’éprouver la colère ?

« On nous désapprend la colère » (page 30).

Le chapitre sur ce thème développé par Sophie GALABRU est probablement l’un des plus intéressants du livre. Elle y dresse une brève histoire de la colère : de la colère glorieuse des Dieux, celle de Yavé dans la Bible ; et celle des demi-dieux, en particulier celle d’Achille au commencement de l’Illiade, premier livre de la culture occidentale ; à la colère réprouvée par la société chrétienne qui lui préfère l’humilité et le pardon ; puis les colères sociales et syndicales étouffée par la société du capitalisme entreprenarial ou du capitalisme de la séduction qui nous mettent à l’épreuve d’être « la meilleure version de soi-même » ou d’être « le plus désirable », sans colère donc.

Quels sont les inconvénients à éprouver de la colère ?

« Ce malaise que suscite les colères vient du fait qu’elles nous forcent à prendre position, à regarder à notre tour ce qui peut nous entraver, ou à forcer notre empathie au lieu de fuir dans l’indifférence » (page 109)… mais… « à considérer nos existences, nous remarquons que nous n’osons nous disputer qu’avec ceux que nous estimons, voire que nous aimons et avec qui nous croyons un changement possible » (page 148).

La colère apparaît donc comme un vecteur de changement important. Elle figure d’ailleurs comme une des étapes de la courbe du deuil de KÜBLER-ROSS. Et s’il n’est pas acceptable de blesser nos proches par notre colère, que faire alors de cette colère ?

Alors que voulez à la place quand vous éprouvez de la colère ?

« Il nous faut parvenir à détourner ce désir de s’imposer contre les vivants par le désir de s’affirmer avec eux et face à eux » (page 274). Sophie GALABRU conclut en prônant le « bon usage de la colère » et en requalifiant « la colère un art de vivre en commun sans rien perdre de soi » (page 276).

En touchant à la fin de son introspection philosophique, Sophie GALABRU démontre et témoigne que la colère est non seulement une passion instinctive que l’on ose éprouver tant qu’il reste de l’espoir, mais aussi un un instrument de régulation du fait politique et social.

« Indignez-vous » disait Stéphane Hessel… mais pas contre la colère dirait Sophie GALABRU !


Et vous, que faites-vous de votre colère ?

Jean GALAND

 

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